Carnet de route
Novembre en Haut Aragon
Le 25/11/2022 par BENOS Jacques
Dès le tunnel de Bielsa franchi, le changement est radical. Les couleurs sont plus vives, l’eau plus turquoise et l’air plus doux. Ces vastes sierras encore peu connues recèlent de véritables trésors. Des paysages étonnants, entre profonds canyons et montagnes lumineuses, cachent de charmants ermitages, témoins de la reconquête et datant pour la plupart du XIème siècle.
Notre première journée nous fait découvrir les ermitages de Tella, lieu magique et paradis des Saints et des Sorcières. Au départ du village aux toits surmontés de cheminées « espantabrujas » (anti-sorcières), le sentier relie trois ermitages posés dans un cadre magnifique. Au loin, nous reconnaissons le Casque et la Tour du Marboré, tandis que la Punta de Las Olas nous cache le Mont Perdu. Nous prenons ensuite le chemin de Revilla, où se cache l’ermitage rupestre de San Lorenzo. Le mirador de Angones, haut perché au-dessus de la rivière Yaga, est un spectaculaire belvédère sur la profonde et sauvage gorge d’Escuain, dominée par le somptueux Castillo Mayor.
A Morillo de Tou, il y en a pour tous les goûts, hôtel, bungalows, maisons, camping, ... Nous sommes hébergés dans la Casa Cavero, deux appartements pour les 9 personnes, dans ce village magnifiquement restauré situé à 4 km de Ainsa. Nous sommes à deux pas de la Pena Montanesa, montagne sacrée de l’antique royaume de Sobrarbe, que nous attaquons depuis le monastère San Victorian. Nous quittons bientôt le sentier s’élevant dans la garrigue pour accéder à la « faja del Toro », vire aérienne et parfois vertigineuse qui s’élève en diagonale en pleine falaise. Les points de vue sont somptueux et le pied doit rester sûr malgré la largeur de la vire. Ce tracé improbable nous amène sur le plateau sommital, après avoir escaladé la pente rocheuse du Canal Mayor. Nous retrouvons la voie normale ainsi qu’une harde d’une vingtaine d’isards, broutant tranquillement, alors que nous-mêmes pique-niquons dans ce cadre somptueux. Après 1400 m de dénivelé, nous atteignons le sommet. La vue panoramique est extraordinaire malgré quelques légers bancs de brume. La descente par la voie normale va nous réserver de très beaux tableaux dans une lumière jaune orangée de fin d’après-midi de novembre.
Au troisième jour, c’est le canyon d’Anisclo qui est au programme. Nous profitons des belles couleurs d’automne autour de l’ermitage troglodyte de San Urbez et du vertigineux pont jeté en travers de la gorge du rio Bellos. L’énorme entaille d’Anisclo est surmontée côté Est par les Sestrales et côté Ouest par le Mondoto. Depuis Nerin, un bon sentier nous amène au sommet du Mondoto, certainement un des plus beaux belvédères qui soit. Nous reconnaissons un à un tous les sommets. De gauche à droite se découvrent le Taillon, le Casque, la Tour, le Marboré, las Tres Sorores (le Cylindre, le Mont Perdu, le Soum de Ramon), et las Tres Marias pour terminer, avant que le regard ne plonge mille mètres plus bas dans le vide vertigineux du canyon. Plusieurs vautours fauves planant sans effort apparent complètent le tableau.
Nous ne pouvions terminer ce splendide séjour sans découvrir le nid d’aigle de Samitier, dominant le spectaculaire défilé d’Entremon et le lac de Mediano dont le niveau des eaux est au plus bas. Ainsi, l’église de l’ancien village englouti émerge entièrement. Au sommet un magnifique ensemble religieux et militaire défend les lieux depuis l’an 1050. Le château est bien ruiné mais l’église constituée d’une triple nef avec absides semi-circulaires est une merveille d’art roman dépouillé. Dans ce ciel aujourd’hui dépourvu de nuages, le point du vue sur le lac, la Pena Montanesa et les sommets pyrénéens mérite bien cinq étoiles. L’heure du retour est arrivée, mais nous ne résistons pas à visiter la vieille ville de Ainsa, sa place entourée de superbes demeures médiévales à arcades et ses belles ruelles moyenâgeuses. Ce long week-end magique se termine ici, autour d’un verre réunissant Béatrice, Marie-Jo, Marie-Pierre, Martine, Monique, Jean, Jean-Michel, Jacques et Guy, tous d’accord pour retourner encore et encore dans ce merveilleux Aragon plein de surprises.
Jacques B


